EN BREF
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Les agriculteurs, bien que motivés à améliorer leur bilan carbone, se heurtent à une réalité déconcertante : ils n’ont toujours pas reçu de prime verte pour leurs efforts. Le secteur agricole québécois, qui contribue à hauteur de 10 % des émissions de gaz à effet de serre (GES), dispose pourtant d’un potentiel considérable pour réduire ces émissions. Malgré des initiatives prometteuses et des méthodes visant à préserver l’environnement, les agriculteurs peinent à monétiser leurs efforts verts dans un système qui reste largement non encadré. Les pressions de l’industrie agroalimentaire se font toutefois sentir, puisque les transformateurs adoptent des cibles plus ambitieuses. Néanmoins, jusqu’à présent, les agriculteurs n’ont pas vu d’incitations financières concrètes pour les pratiques durables qu’ils mettent en place.
En dépit de l’engagement croissant des agriculteurs à améliorer leur bilan carbone, ceux-ci se heurtent à une réalité frustrante : l’absence de prime verte pour récompenser leurs efforts. Alors que le secteur agricole représente une part significative des émissions de gaz à effet de serre, un changement urgent est nécessaire pour encourager les agriculteurs à adopter des pratiques durables. Cet article examine la situation actuelle, les défis auxquels font face les agriculteurs et leurs attentes vis-à-vis de l’avenir.
Le rôle crucial des agriculteurs dans la lutte contre le changement climatique
Les agriculteurs jouent un rôle essentiel dans la lutte contre le changement climatique. Avec environ 10 % des émissions de GES au Québec provenant de l’agriculture, leur contribution à l’atténuation des effets néfastes du climat est critique. Cependant, la mise en œuvre de pratiques durables nécessite des investissements non négligeables, et sans le soutien adéquat, de nombreux agriculteurs peinent à progresser.
La sagesse populaire pourrait dire que ceux qui cultivent la terre sont sensibles à son bien-être. Des producteurs comme Christian Grenier, à L’Ange-Gardien, adoptent de meilleures pratiques pour le climat, mais se heurtent à un système qui ne valorise pas encore ces efforts. En effet, malgré un engagement indéniable, les bénéfices économiques de l’amélioration du bilan carbone restent à prouver dans le cadre du système agroalimentaire actuel.
Le constat d’un manque de reconnaissance financière
Étonnamment, même les agriculteurs les plus motivés n’ont pas encore trouvé de modalités pour faire valoir financièrement leur réduction des émissions. Une situation qui pourrait sembler paradoxale pour ceux qui investissent des efforts considérables pour transformer leurs pratiques. Dans ce contexte, l’absence de prime verte se fait ressentir. Les producteurs se sentent souvent frustrés par l’absence de mécanismes de rémunération, alors qu’ils s’efforcent d’accroître la productivité tout en réduisant leur empreinte carbone.
Des initiatives naissantes commencent à émerger pour établir des bilans carbone et proposer des pistes d’amélioration, mais comme l’indique Maude Fournier-Farley de Sollio Agriculture, les paiements incitatifs adaptés à ces efforts demeurent absents. La situation actuelle n’est pas satisfaisante, car il existe un potentiel inexploité dans l’agriculture pour capter le carbone, mais ce potentiel n’est pas encore reconnu.
Les défis de la transformation agricole
La transformation vers une agriculture plus durable est indéniablement un processus complexe. Les émissions de GES issues de l’agriculture stagnent depuis des décennies. Cette statique illustre les défis structurels et pratiques qui entravent l’évolution vers des pratiques plus durables. Les trois principales composantes contributrices à ces émissions restent la digestion des animaux, le fumier et la gestion des sols.
Pour réduire leurs émissions, les agriculteurs doivent naviguer dans un paysages réglementaire complexe et souvent peu clair. Deux grandes options peuvent les aider dans cette quête : diminuer les émissions ou favoriser la séquestration du carbone dans le sol. Bien que tous deux soient valables, la seconde option peut également engendrer une série d’autres bénéfices, comme le souligne Marie-Élise Samson, professeure à l’Université Laval. Un sol riche en carbone est généralement de meilleure qualité et entraîne des avantages pour l’agriculture durable.
Les objectifs gouvernementaux face à la réalité terrain
Le gouvernement du Québec a fixé des objectifs ambitieux pour 2030 : réduire de 5 % les émissions des sols cultivés et de 6 % celles liées au méthane provenant des élevages. Cependant, ces objectifs semblent timides par rapport à l’objectif global de réduction de 37,5 % des émissions de GES d’ici 2030. Les agriculteurs font face à des pressions croissantes non seulement de la part du gouvernement, mais également de l’industrie agroalimentaire, qui commence à établir des cibles strictes au sein de leur chaîne d’approvisionnement.
Pourtant, malgré cette pression, les choses n’avancent pas aussi rapidement que souhaité. Les nouveaux paradigmes nécessaires pour récompenser les efforts des producteurs pour réduire les émissions de carbone doivent encore être mis en place, laissant de nombreux agriculteurs sans le soutien nécessaire pour améliorer leur bilan carbone.
Des initiatives prometteuses pour une agriculture durable
Malgré les défis, des initiatives porteuses d’espoir comme le projet AgroCarbone Grandes Cultures, lancé par Sollio en collaboration avec Coop Carbone, émergent dans le paysage agricole. Son objectif est de concevoir des modèles d’affaires qui faciliteront aux agriculteurs l’adoption de pratiques agricoles présentant un faible impact carbone. Ce projet vise à proposer des solutions variées, adaptées à la réalité de chaque producteur.
Le projet s’articule autour de la possibilité pour les agriculteurs de choisir de créer des crédits carbone pour des tiers ou de les réserver pour les entreprises agroalimentaires qui achètent leurs produits. Cela ouvre des options intéressantes pour les producteurs. En 2026, les résultats de ces modèles devraient commencer à se matérialiser sur le terrain avec l’implementation de pratiques agricoles durables.
Les freins à l’adhésion aux crédits carbone
L’exclusion des agriculteurs du système de tarification du carbone industriel complique encore leurs efforts pour tirer des revenus de leurs actions. Bien qu’ils aient la possibilité de créer des crédits pour compenser les émissions de diverses industries, la complexité et le coût d’entrée à ce marché restent prohibitifs pour beaucoup.
La voix de spécialistes comme Sylvestre Delmotte est claire : plusieurs pratiques peuvent permettre aux agriculteurs d’améliorer leur bilan carbone sans frais excessifs et sans le poids administratif des crédits. Il souligne qu’avec des efforts à court terme, il est possible d’obtenir des résultats sans forcément passer par des systèmes de crédit, du moment que les agriculteurs bénéficient d’un soutien efficace.
La perspective d’un futur durable
Dans un contexte où l’incertitude règne, des producteurs comme Pascal Viens s’engagent à transformer leurs exploitations en puits de carbone. La transition vers des pratiques agricoles pérennes peut s’avérer cruciale pour la durabilité des exploitations. Bien qu’aucune prime verte ne soit encore en vigueur pour récompenser ces efforts, il demeure optimiste. Il estime que lorsque les grands acteurs tels qu’Agropur demanderont activement des réductions d’émissions, ils seront prêts à répondre à cette demande.
Avec plus de 90 % des agriculteurs affirmant leur volonté d’accélérer la transition écologique, il est évident qu’il existe un désir de changement. Ce désir doit être soutenu par des politiques et des mesures incitatives adaptées pour aligner les intérêts de tous les acteurs de l’agriculture. Alors que les pressions augmentent, il est impératif de créer une dynamique où les efforts des agriculteurs sont valorisés et récompensés.
Les initiatives émergentes, la pression croissante du gouvernement et les efforts des producteurs constituent une base solide pour avancer. Néanmoins, il est essentiel que les politiques publiques répondent à cette dynamique et s’engagent à soutenir les agriculteurs dans leur transformation vers une agriculture durable.
Vers une meilleure reconnaissance des efforts en faveur du carbone
Il est désormais urgent de travailler sur un cadre réglementaire clair qui permette aux producteurs de tirer parti de leurs efforts en matière de séquestration du carbone. Les défis techniques, économiques et administratifs doivent être abordés pour transformer le potentiel à long terme de la compensation carbone en résultats tangibles pour les agriculteurs. Ils doivent pouvoir compter sur des systèmes de soutien qui les engagent dans une démarche de durabilité positive.
Des mécanismes innovants comme les crédits carbone doivent être mieux pilotés pour favoriser l’adhésion des agriculteurs. En permettant aux producteurs de monétiser efficacement leurs efforts, il est possible non seulement d’encourager des pratiques durables, mais également de renforcer la résilience du secteur agricole tout en s’attaquant aux défis climatiques.
Dans ce cadre, les politiques doivent non seulement encourager la réduction des émissions, mais aussi promouvoir une santé écologique et économique à long terme au sein des exploitations. Un avenir où l’agriculture durable n’est pas seulement une aspiration, mais aussi une réalité économiquement viable pour chaque producteur.

Témoignages d’agriculteurs en quête de reconnaissance
Dans la lutte contre les changements climatiques, les agriculteurs se retrouvent en première ligne. Pourtant, malgré leurs efforts pour améliorer leur bilan carbone, la quête d’une prime verte demeure un enjeu crucial. De nombreux producteurs expriment leur frustration face à l’absence de compensation pour leurs initiatives environnementales.
« J’ai investi dans des pratiques agricoles qui favorisent la séquestration de carbone dans le sol, mais je ne vois toujours pas de retour sur investissement, » déclare un agriculteur de la région de la Capitale-Nationale. Selon lui, les bénéfices que l’on pourrait tirer de ces efforts ne sont pas encore visibles dans la chaîne agroalimentaire actuelle. « Il est décourageant de voir que même les meilleurs efforts en matière de durabilité ne sont pas valorisés », ajoute-t-il.
Un autre producteur, spécialisé dans l’élevage, partage son point de vue : « Chaque jour, j’essaie de réduire mes émissions de gaz à effet de serre, mais je suis inquiet. Mes acheteurs n’ont pas mis en place de système pour me rémunérer pour mes efforts. Je suis prêt à travailler pour le climat, mais il faut une reconnaissance de la part du marché », explique-t-il. Ces témoignages illustrent une réalité inquiétante : les agriculteurs se sentent souvent laissés pour compte dans le cadre des initiatives environnementales.
Dans un récent triathlon de témoignages, une agricultrice engagée dans la culture de végétaux pérennes souligne : « Nous avons besoin d’un système qui nous aide à mieux gérer notre sol tout en étant récompensés pour nos efforts. Une prime verte pourrait changer la donne ». Ce souhait résonne avec de nombreux producteurs qui aspirent à des modèles d’affaires plus durables et justes.
En parallèle, un jeune agriculteur de la Montérégie abonde dans le même sens : « Je sais qu’il existe des programmes de crédits carbone, mais leur mise en œuvre reste complexe. J’espère que les efforts en faveur du climat seront bientôt rentables, car nous avons tous un rôle à jouer dans cette transition », affirme-t-il. Ce désir de simplification et d’encadrement est partagé par un grand nombre de ses collègues.
La nécessité d’un changement visible est ainsi au cœur des préoccupations des agriculteurs. Beaucoup d’entre eux croient fermement que la transition écologique passe par des incitations financières justes et adaptées. « Si nos efforts pour améliorer le bilan carbone étaient récompensés, cela inciterait davantage d’agriculteurs à s’engager. Nous avons besoin de cette prime verte pour avancer », conclut un producteur de grandes cultures. Ces témoignages témoignent d’une demande pressante de reconnaissance et de soutien dans un contexte environnemental de plus en plus urgent.